Teckel Kaninchen – Femelle – 18 mois – Intacte 

Polly est une chienne dont le panel d’aboiements est devenu un véritable problème pour Lola qui ne sait plus comment obtenir le silence. Lola et Polinette vivent à deux, dans un environnement qui leur permet de faire de longue balade en liberté. Polly est une chienne minuscule à l’énergie débordante. Elle est tonique, vive et très intelligente. Mais ce qui saute aux yeux quand on l’observe, ce sont ses capacités physiques (rapidité, endurance). Elle n’a pas froid aux yeux. C’est un teckel nain à poil dur, court et bien bâti. Au delà des longues balades quotidiennes, Polly et Lola mènent des activités ensemble comme la détection de jouet ou d’appâts, et des jeux de rapport.

Les contextes de survenance des aboiements sont minutieusement étudiés, tout comme la relation qui lie Polly à Lola. Dans une large majorité de cas, la source des aboiements du chien est logée dans la relation qu’il a bâtie avec son gardien mais aussi dans son monde intérieur, toujours complexe à approcher. 

Polly aboie sur Lola quand elle parle à quelqu’un dans la maison ou à l’extérieur. Elle se place alors entre sa gardienne et son interlocutrice, ou se couche au milieu de la pièce, et aboie bien en face de sa gardienne, histoire de lui montrer qu’elle s’adresse à elle. Polly demande aussi de l’interaction le soir, quand Lola a envie d’être tranquille. La chienne lui fonce dessus, la provoque, la taquine, aboie sur elle, se sauve, revient, la pousse… Polly veut aussi interagir avec le chat de la maison, totalement blasé d’elle, qui ne répond à aucune de ses demandes. Polly ne le touche jamais. Elle abandonne, tristounette, décidément, personne ne veut se bagarrer avec elle. Les aboiements de Polly sont parfois placés dans l’agacement le plus réel et une frustration qui monte, liée non pas à une absence d’activité mais plutôt à ce qui semble ne pas lui convenir. Par ses aboiements sur Lola, Polly essaie d’exprimer un mécontentement qui n’est jamais facile à comprendre quand il s’agit de son propre chien.

Afin de se rapprocher d’un chien, de le comprendre du mieux possible, il est essentiel de s’éloigner du problème pour lequel on est contacté : les aboiements. Il nous faut « dézoomer », élargir notre champ de vision. La méthode est toujours holistique et jamais on n’abordera le chien uniquement par le prisme de ses comportements, même s’ils sont importants (car objectifs). Ainsi je considère que rien n’est pire avec un chien qui aboie que de se focaliser sur le problème des aboiements et de travailler des exercices sur l’arrêt de ces aboiements.

Voici deux exemples concrets
  • Lola lance sa corde à noeud à Polly qui court la chercher, et revient très rapidement avec la corde en gueule. Lola lui dit « tu laisses » afin que Polly lâche sa corde à ses pieds. Cette demande la fait systématiquement aboyer. Et encore une fois, Polly semble demander quelque chose de précis. Entre la frustration de ne pas être comprise et l’envie de faire autre chose, Polly ne trouve que les aboiements pour s’adapter. Du côté de Lola, c’est aussi difficile. Ce n’est ni agréable ni vivable de partager le quotidien  d’un chien qui passe son temps à aboyer sur vous. L’impression de se faire « enguirlander » tout le temps devient vite pénible.
  • Polly attrape les chaussettes de Lola le soir, tire dessus en secouant la tête avec hargne et ténacité. Elle grogne et aboie sur sa gardienne qui lui dit « tu laisses ». Toute la mascarade de Polly n’est que du jeu. Son agressivité est aussi théâtrale que feinte. Et de nouveau, l’injonction de se stopper la frustre, et l’agace.

Les aboiements de Polly sont aussi des cris d’alerte. Polly monte la garde, s’alarme quand elle entend du bruit. Elle prévient sa gardienne. Ces aboiements-là ne posent pas vraiment de problème à Lola. Elle n’a pas de voisins, vit seule et Polly ne dérange personne. Mais ils se rajoutent à tout le reste.

Enfin, Polly exprime aussi beaucoup d’aboiements de décharge sur Lola comme un enfant le ferait avec sa mère. Si elle s’ennuie, si elle s’impatiente, si Lola s’oppose, si Lola demande, si Lola est occupée… La seule réponse de Polly est d’aboyer fort sur elle. On pourrait dire qu’elle manque d’autonomie mais on pourrait aussi penser que Polly se conduit exactement comme elle est appréhendée, voire infantilisée.

Des vidéos d’interaction de Polinette avec d’autres chiens sont demandées à Lola. Elles sont essentielles à la question « Qui est Polly ? » et « Que désire-t-elle? ». Et c’est là que nous la découvrons dans toute sa splendeur. Polly provoque les chiens pour jouer à la bagarre, leur saute à la tête, simule avec eux la capture au collet, pousse fort avec ses pattes avant (un comportement qu’elle adopte aussi avec Lola et les autres humains). Elle s’éclate dans le corps à corps mais – et c’est là qu’elle est formidable – elle n’a aucun problème à se stopper si l’autre chien n’est pas réceptif. Polly n’est pas harcelante avec ses congénères qui la comprennent. La seule personne qu’elle harcèle c’est Lola. Polly est d’ailleurs une chienne qui se présente fort bien, avec beaucoup de pauses et d’observation. Elle n’est pas belliqueuse pour de vrai. Elle simule la bagarre musclée, une bagarre tonique, où l’on se bouscule, où l’on doit être compétitif et rapide, ou l’on s’attrape, se mord, se pousse… Mais tout ça inquiète Lola et on peut la comprendre. Polinette est minuscule et n’a pas froid aux yeux. Lola ne la laisse donc pas bagarrer et joue avec elle de manière sécurisée. 

Autre détail d’importance (la clef est souvent dans les détails et pas dans les comportements les plus visibles) : Polly n’aboie pas du tout quand elle est gardée en pension avec d’autres chiens… Il est fort probable que l’hôtesse se montre plus détendue, et laisse Polly interagir avec les autres chiens. Et il est fort à parier que Polly se bagarre. Avec Lola, Polly se balade longuement, joue à détecter des appâts et à répondre à des demandes peut-être trop simples pour elle. Polly est comme une petite fille qui voudrait faire du rugby mais à qui sa maman propose de plutôt faire de la danse. C’est une image facile, j’en conviens, mais elle nous permet de comprendre un peu mieux tout ce que Polly veut probablement dire à Lola quand elle aboie sur elle.

Beaucoup de joie, de frustration et d’agacement chez cette chienne adulte qui vit dans l’action et qui ne se satisfait  peut-être plus de la manière dont sa gardienne l’appréhende. Polly ne manque pas d’activité, sa vie est belle, mais il semble qu’elle serait plus contentée si elle était née dans le corps d’une malinoise. On oublie aussi la génétique du teckel et la combativité de beaucoup de tous ces petits chiens souvent appréhendés comme de petites choses fragiles.

Alors ? Que pouvons-nous faire pour Lola et Pollinette ? 

Tout Kaninchen qu’elle soit, Polly a besoin d’être appréhendée comme un grand chien,  il est donc été conseillé :

  • De rechercher des chiens qui, comme elle, aiment se bagarrer, se pousser, se provoquer… des chiens adaptés à sa taille ou avec beaucoup de comportements d’auto-pénalisation. Il en existe des centaines. Avec eux, elle pourra se défouler en toute sécurité.
  • D’éviter les demandes simplistes de type « assis » et tout exercice d’obéissance facile. Ces demandes semblent agacer Polly. Mieux vaut accepter de jouer à la bagarre avec elle (tirailler un tug, se pousser, se laisser poursuivre, poursuivre) dans des séquences courtes, mais Polly n’a aucun problème pour se stopper quand on lui donne ce qu’elle demande. Sa compréhension des règles du jeu de bagarre est très élevée.
  • De développer les activités en lien avec sa génétique et de lui demander d’exécuter de petites missions afin d’améliorer la satisfaction personnelle d’une chienne qui aime « accomplir » et être dans l’action. « Faire » ce n’est pas répondre à des ordres de base. « Faire » ce n’est pas demander de « faire » juste pour dire de « faire ». Polly est plus intelligente que ça. Faire c’est « s’accomplir » dans des services vraiment rendus à son humain et dans des demandes justes et adaptées au chien en présence.
  • Pour redonner du calme à Lola, d’identifier les contextes d’aboiements de demande d’interaction (ex : le soir) et d’agir en amont afin que les aboiements ne démarrent pas. On peut choisir de lui donner son repas à ce moment-là en modifiant les modes d’alimentation habituels (prédation), de bagarrer avec elle avant de se mettre au calme, de lui donner une occupation solitaire de qualité qui favorisera le développement de son autonomie, etc. Tout cela avant que les aboiements commencent.

Audrey VENTURA
Comportementaliste – Éducatrice canin
Cynoconsult – Valenciennes

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