En général, rejeter la faute sur les autres ne nous amène pas à grand chose, surtout si c’est pour les culpabiliser avec des propos sans fondement. Ainsi, certaines phrases ne devraient plus nous atteindre :  « Si ton chien est prédateur, c’est que tu n’as pas assez travaillé ton rappel » OU « Moi, mon chien est très prédateur, mais si je le rappelle, il revient immédiatement ». 

Si un chien prédateur revient au rappel alors qu’il est déjà parti, c’est que sa motivation pour la chasse est assez légère, sûrement occasionnelle, une sorte de passe-temps dans lequel il n’est pas très bon, et où il s’est probablement démotivé lui-même à force d’échecs. C’est le chien qui court après le lapin qui lui passe sous le nez, mais qui revient de lui-même quand le lapin s’éloigne. On jurerait l’entendre dire « de toutes façons, je n’ai aucune chance. » Mais surtout, encore une fois, cela nous place face à une réalité : le patron-moteur de prédation n’est pas envahissant chez ce chien-là. Cela veut tout simplement dire que sa prédation reste gérable, et qu’en fait, on ne peut pas vraiment parler de prédation, mais d’un comportement de poursuite ou de réaction à la fuite, plutôt normal chez un chien. 

N’oublions pas qu’en éthologie, la prédation désigne la séquence entière de chasse, jusqu’à la mise à mort et l’ingestion. 

Tous ceux qui croient que le légendaire « rappel parfait » peut stopper un prédateur engagé dans la poursuite d’une proie se fourvoient totalement sur ce qui le meut, ou font preuve d’une incroyable mauvaise foi. Le jour où ces personnes auront à encadrer un indécrottable prédateur, c’est-à-dire, un chien qui, dès qu’il met la truffe dehors, n’a qu’une idée en tête, chercher la piste d’une proie, la trouver, la remonter, la poursuivre, l’attraper, la tuer, et parfois la manger sur place, se retrouveront bien démunis. Parce que la prédation, c’est ça. Tout le reste n’est que du patron-moteur. 

Le pire que j’ai pu lire : « Si un chien est très prédateur, il faut aller étudier la relation avec son humain, car il y a inévitablement un problème entre eux ». N’y croyez pas. S’il est vrai que la prédation se gère mieux si le chien et son humain s’entendent et se comprennent bien, il est faux de croire qu’un chien devient prédateur parce qu’il ne s’entend pas avec son humain. 

Si vous avez lu mes livres « Le chien, cet animal qui nous échappe », vous savez que j’ai moi-même à accompagner au quotidien une chienne prédatrice totale. Elle l’a toujours été. Elle ne l’est pas devenue à cause de moi, ou à cause des balles, ou parce que nous venions de nous disputer. Elle est née avec une génétique de prédation très importante, présente dans sa lignée. Je n’y peux rien, et elle non plus. Et dans ce libre, je raconte comment j’ai pu m’en sortir, sans la rendre malheureuse. 

Alors, à l’avenir, avant de déclarer à une dame qui passe ses balades à gérer la prédation de son akita-inu, à trouver le juste milieu entre la liberté et la longe, à anticiper, à réorienter, à nourrir les besoins tout en respectant la faune, à tout faire pour concurrencer l’environnement, etc… qu’elle est responsable parce qu’elle n’a pas assez entraîné son chien au rappel quand il était plus jeune, c’est comme culpabiliser la personne qui encadre comme elle peut son border collie hypersensible au mouvement, en lui racontant que « tout est une question d’obéissance » (dixit la personne qui a évidemment un border collie qui a perdu son instinct). C’est vraiment ignorer quel fantastique pouvoir la chasse exerce sur le chien, et à quel point elle le satisfait. C’est orgasmique ! Alors le rappel… 

Tout ça est mensonger.

Si votre rappel suffit à faire revenir votre chien qui poursuit une proie, à lui éviter la mise en danger, la perte de conscience totale de l’environnement direct, des règles, l’oubli de votre présence, à stopper l’état de crise, c’est que la prédation n’a pas réellement de valeur à ses yeux, et tant mieux pour vous. Mais ce n’est pas grâce au rappel. Expliquez simplement que votre chien n’est pas très chasseur… À l’inverse, si votre chien vous échappe, s’il vous semble qu’il n’entend plus rien et ne voit plus rien, qu’il pourrait passer sous les roues d’une voiture, ou faire chuter des personnes sur son passage, comme un chien dans un jeu de quilles, vous avez raison de penser que le rappel ne suffira jamais. Parce que c’est le cas. 

Ne vous laissez plus culpabiliser. La prédation ne s’interrompt pas avec un simple rappel. 

Quelques conseils utiles et précisions nécessaires : 

  • Cet article n’est pas un prétexte pour ne pas travailler le rappel du tout en se disant « de toutes façons, ça ne marchera pas » 😉 Il faut juste se rappeler que le chien est vivant, que pour le chien prédateur, la prédation est la cerise sur le gâteau de la vie, et donc votre rappel ne pourra pas avoir l’effet d’une télécommande sur un animal en transe de chasse. N’oublions pas que la prédation compte parmi les comportements en mode « hyper ». Entendez « action », « moteur », « proaction », etc. S’il suffisait d’un rappel pour arrêter le comportement démarré dans ce mode-là, ça se saurait. Mais en dehors de ça, le rappel automatique ou vocal reste absolument nécessaire. 
  • Cet article n’est pas non plus un blanc-seing pour laisser votre chien chasser tout ce qu’il veut, en se disant « la prédation, c’est naturel ». Même si la prédation est génétique, instinctive et naturelle, votre chien reste un animal domestique. Par conséquent, il n’est pas pensable et respectueux de le laisser déranger, chasser et tuer la faune sauvage environnante. 
  • Ne laissez pas votre chien se renforcer dans la prédation. Ce n’est dans l’intérêt de personne. 
  • C’est dans la prévention et l’anticipation que réside une partie du salut. Observez votre chien, rattachez-le ou détournez-le (bref, déconcentrez-le) dès les premiers signes que la prédation s’empare de lui : immobilité soudaine, posture tendue de la pointe des oreilles à la pointe de la queue, antérieur relevé, posture abaissée, démarche très ralentie, et ensuite, bien souvent, c’est déjà trop tard. 
  • Pour détourner et réorienter votre chien efficacement et sainement, assurez-vous toujours que ses besoins primordiaux personnels sont satisfaits correctement (càd. en lien avec sa génétique, sans surstimulation, de manière encadrée, avec un on-off…). Si vous avez des doutes, contactez un coach en comportement qui pourra s’en assurer avec vous. 
  • Optez systématiquement pour une longe de 10 ou 20 mètres dans les lieux où vous savez que le gibier pullule. Attention, une longe se gère, sinon elle devient dangereuse. 
  • Si vous avez le choix, emmenez votre chien ailleurs, là où il pourra être libéré, là où vous savez que le gibier est rare, voire inexistant. 
  • Quel est le patron-moteur de prédation le plus envahissant chez votre chien ? La recherche ? La levée ? La poursuite ? La capture ? C’est avec cette même génétique que vous pourrez le satisfaire et l’encadrer, sinon vous donnez du pain à quelqu’un qui a soif. Ce patron-moteur problématique chez votre chien est en même temps la solution. C’est lui qui vous aidera à lui apprendre à vous écouter. Vous pourrez l’épanouir dans une activité alternative à très haut niveau de motivation, sans pour autant le rendre « addict », car vous observerez toujours un excellent on-off. 
  • Faites partie de l’aventure ! Intéressez-vous à ce que fait votre chien, à ce qu’il renifle, proposez-lui de le vivre avec vous. Soyez un moteur plutôt qu’un empêcheur de tourner en rond 😉 Ainsi, vous le détournerez naturellement de l’environnement direct, et c’est dans votre intérêt. 
  • Si votre chien déclenche (car ça arrivera), gardez-le chez vous entre 48 à 72 heures, au calme, et surtout ne repassez pas au même endroit quand vous ressortirez. Compensez avec beaucoup de mastication, et du léchage. C’est un conseil essentiel qui ralentit le conditionnement. 
  • Proposez à votre chien une activité de mantrailing ou de détection en parallèle de vos balades. Elle nourrira ses patrons-moteurs de recherche dans une activité encadrée avec vous, ce qui améliore le on-off et la communication homme-chien. 

Bref, acceptez, vivez et travaillez avec la prédation, car elle ne se départit pas de votre chien. 

Enfin, ne comparez pas votre chien avec le chien de chasse qui obéit au chasseur. Le chien de lignée à la chasse travaille pour le chasseur. Il ne chasse pas lui-même. C’est le chasseur qui chasse et tue, pas son chien. Il est aidé dans cette activité par un chien qui travaille sur un ou deux patrons-moteurs (pistage, levée, rapport, harcèlement, etc. mais ne fait pas la mise à mort). L’autre réalité, c’est celle du chien prédateur dont nous venons de parler, celui qui chasse pour lui-même, en toute autonomie, jusqu’à manger la proie sur place. Ce chien-là se moque du chasseur, et jamais un chasseur ne voudra d’un tel chien. Je connais des dizaines et des dizaines de chiens de chasse, de lignée de travail, qui ne sont pas prédateurs dans la vie. Ils ne chassent tout simplement pas de manière autonome. Ne confondons plus ces deux réalités. La prédation désigne la séquence entière alors que le travail à la chasse n’engage qu’un ou ou deux patrons-moteurs sélectionnés par le chasseur pour lui-même. 

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(mensuelle)

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